Prestigieux bâtiment réalisé en 1948 par G.Dedoyard, l’OM, accueillant autrefois les services sociaux et les infrastructures culturelles de la société sidérurgique, a fait l’objet d’une reconversion en un complexe musical participant à la redynamisation du quartier. Aujourd’hui, la renaissance de cette figure de l’architecture moderniste liégeoise témoigne de la reconversion d’un morceau de patrimoine initiée par une véritable transition spatiale et sociale.
"Remettre à flot ce paquebot échoué en bord de Meuse"
Passé-présent-futur
Témoin du passé de la société sidérurgique liégeoise, cette ancienne salle des fêtes revêt d’une importance particulière dans la mémoire des Sérésiens. Bien que fortement dégradé au moment de l’étude suite à son abandon progressif, ce bâtiment reste néanmoins un repère, un catalyseur de lien social pour le quartier. Prêt de 70 ans après sa construction, l’intention consiste à « remettre à flot ce paquebot échoué » en bord de Meuse afin de lui offrir une vie future, sans pour autant renier son passé.
La transformation de l’OM en un complexe musical formé de salles de concerts, de salles de réception, de studios d’enregistrement ainsi que d’une reconfiguration des abords, s'inscrit dans une stratégie de reconversion globale d’un quartier en pleine mutation. Cette intervention représente la « première pièce du puzzle » du Master plan de la Ville de Seraing portant une attention particulière sur la création, la qualité et l’activation des espaces publics par des projets matérialisant le lien entre le passé et le futur du quartier.
Durant le processus de conception, cette notion « d’activation de l’espace public par la fonction » a pleinement guidé les intentions du projet de reconversion, générant aujourd’hui une véritable signification du lieu. L’étude approfondie du bâtiment, de ses caractéristiques, de ses potentialités et de ses contraintes a conduit à l’adoption d’une attitude respectueuse de l’existant, humble et dénuée de toute arrogance. L’objectif est de créer un bâtiment capable de rétablir le dialogue avec le site, de préserver son caractère, de créer un lieu d’échange destiné aux visiteurs, artistes, ainsi qu’aux générations futures.
De jour comme de nuit
De par sa reconfiguration et par sa programmation, le projet propose de requestionner la perception de la relation entre le bâtiment et ses alentours. Par l’implémentation des nouvelles fonctions, accentuer la perception de l’usage depuis l’extérieur afin de participer à l’animation urbaine constituait une réelle opportunité d’associer le projet à la redynamisation du quartier. De jour comme de nuit, le projet tend à activer continuellement les espaces publics qui l’entourent, tant physiquement que visuellement.
Les soirs de concert, le complexe musical s’illumine et apparait tel un repère urbain suscitant la curiosité. La lumière au sein du bâtiment et des « boites techniques » en toiture se reflètent délicatement sur les mouvements de l’eau ; un calme contrastant avec les activités qui s’y préparent. Le temps semble suspendu l’espace d’un instant. Les grandes baies verticales, couplées aux lignées d’ouvertures carrées, laissent transparaitre les usages internes, créant ainsi une animation visuelle constante depuis les alentours.
Une fois arrivé devant le bâtiment, l’effervescence est palpable avant le début du concert. Les spectateurs profitent des cours extérieures : lieux de partages et d’échanges faisant la transition avec l’espace public. L’animation générée au sein de la cour ouverte sur la rue permet d’établir un dialogue évident avec le quartier. Le trottoir se prolonge vers la cour qui rassemble passants, habitants et spectateurs. L’activité et les échanges sociaux transforment le lieu. Autrefois délaissé, l’espace rue est activé par les mouvements, les flux et les échanges. Le quartier vit, il respire, il évolue.
Progressivement, la foule se dirige vers les entrées soit le porche ou par la passerelle. La rue retrouve peu à peu son calme, alors que le personnel prépare déjà l’après concert.
Une fois entrés, les visiteurs pénètrent dans un vaste hall illuminé, guidant ainsi leur parcours à travers les espaces. La salle, plongée dans le noir avant l’arrivée des artistes, se rempli progressivement. Une fois le concert débuté, la notion du temps semble s’arrêter. Le visiteur est amené à profiter pleinement de l’expérience des lieux par les spatialités, les lumières et les sonorités qui participent ensemble à la création d’un « micro-univers ». L’espace d’un soir, les préoccupations de chacun restent en dehors. Désormais, place à la musique et au partage.
Une fois le concert terminé, les spectateurs retournent progressivement vers les autres salles, la cour ou le bar pour débriefer ensemble de la prestation artistique. Pour ceux qui le souhaitent, la soirée peut encore se prolonger grâce à l’organisation d’after-party au sein du complexe.
Dès le lendemain matin, les cuisiniers du restaurant préparent déjà les lieux pour le repas de midi. Entre les riverains désireux de s’offrir un moment de pause et les diners professionnels, le restaurant propose un lieu de partage accessible à tous. L’après-midi, la salle de réception accueille la première conférence d’un cycle organisé sur la redynamisation des espaces publics à Seraing. En parallèle, les camions de livraisons, les artistes dans les loges, les travailleurs des studios et le personnel sont en pleine activité. A ce soir, déjà, pour un nouvel événement musical.
Un espace-temps en mouvement continu
A travers ce récit, il apparait évident que la vie au sein de l’OM ne s’arrête jamais. Que ce soit au niveau du bâtiment, de ses abords ou de la relation avec l’espace public, le projet met en avant une architecture vivante et continuellement activée par les utilisateurs. L’activité continue tout au long d’une journée, la relation entre espaces intérieurs et extérieurs, ainsi que les lumières symbolisent le lieu et participent à sa redynamisation. Les espaces publics environnants profitent de cette animation constante, faisant quelque peu oublier la notion du temps ainsi que le récent passé du lieu. Bien plus qu’un bâtiment, l’OM constitue un « espace-temps » qui apparait comme un outil permettant d’amorcer le renouveau du quartier et de ses espaces publics.
"La création d'une abiance, d'une atmosphère, d'un micro-univers accentue la sensation de perte de repère dans le temps"
L’espace et le temps sont deux catégories d’expérience qui structurent les activités physiques et mentales des utilisateurs, et sur lesquelles l’architecture influe considérablement, d’autant plus au vu de son programme. L’espace et le temps constituent deux éléments indissociables, mais qui, pour l’utilisateur d’un lieu, possèdent différents degrés d’influence. L’espace et ses composants sont considérés comme le lieu de liberté, tandis que le temps est un facteur qui le contraint. En ce sens, le projet propose de reconsidérer le dialogue entre ces deux notions par la création d’une architecture vivante et centrée sur les utilisateurs. L’objectif est que cette « interdépendance » entre l’espace et le temps soit abrogée l’espace d’un instant de partage musical afin que les utilisateurs profitent pleinement du lieu. La création d’une ambiance, d’une atmosphère, d’un micro-univers accentue la sensation de perte de repère dans le temps et le sentiment de liberté. En portant une attention tant à l’échelle de la ville qu’à l’échelle humaine, ce nouveau moteur de dynamique urbaine vise à insuffler un nouvel élan à ce morceau de ville qui a tant souffert. Aujourd’hui, par la redynamisation de ce lieu, l’heure est au renouveau.
Auteur : Romain Defrang, atelierchora
Publié en mars 2024 dans le CEP49
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