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Zu Fuss, à pied !

Dernière mise à jour : 1 avr.

Aglaée Degros, partenaire du bureau l‘urbanisme Artgineering, professeur et directrice de l’institut d’urbanisme de l’université technologique de Graz.

CEP53-Place aux piétons



En 2023, la région de Styrie, Autriche a lancé un programme de mise à niveau des infrastructures piétonnes des villages et petites villes. Deux outils sont utilisés : la mise en relation de Masterplans basés sur les points d'intérêt de ces villes et villages ainsi que, des tables rondes pour aplanir les problèmes qui se posent en lien avec les différents acteurs à mobiliser. Les conclusions soulèvent 5 problèmes récurrents propres aux situations rurales. L'étude est le fruit d'une collaboration entre la région de Styrie, 15 municipalités volontaires, l'Université de technologie de Graz et des bureaux d'urbanisme dont le bureau Artgineering.


© Aglaée Degros - Dans le village de Göfis, (Vorarlberg) des sentiers relient les lieux d’intérêts tels le centre du village et l’école, celui-ci traverse un champ et est agrémenté d’un pavillon où l’on peut s’asseoir, pique-niquer en chemin.
© Aglaée Degros - Dans le village de Göfis, (Vorarlberg) des sentiers relient les lieux d’intérêts tels le centre du village et l’école, celui-ci traverse un champ et est agrémenté d’un pavillon où l’on peut s’asseoir, pique-niquer en chemin.

Quiconque a déjà assisté à la fin de la journée scolaire dans une école de village arrivera à la même conclusion. Notre mode de vie rural est fondamentalement différent de l'image idyllique que se font beaucoup de citadins. C'est un parking rempli de parents ou de grands-parents assis dans leur voiture, laissant le moteur tourner en attendant que leurs enfants les rejoignent. Les espaces ruraux se sont fragmentés. Ils deviennent un territoire où les centres bâtis sont éclatés et où des parcelles reliées par des bandes d'asphalte se juxtaposent. La mobilité, comme le parcellaire, est devenue une copie de la mobilité périurbaine. Conduire ses enfants à l’école, aller chercher son pain, aller faire du sport, aller à son travail... Tout se fait en voiture. Elle et ses infrastructures sont omniprésentes et dominent le paysage.


La mobilité automobile est souvent indispensable pour accéder aux infrastructures. Mais elle n'est pas accessible à tous ; il faut un permis pour être mobile. Il faut donc transporter les enfants, les adolescents, les personnes malades et les personnes âgées. La mobilité rurale est donc inéquitable en termes d'âge mais aussi de revenus puisque la possession d'un véhicule est coûteuse.


À ce sujet, Mimi Sheller, qui écrit beaucoup sur l'équité de la mobilité, appelle à la mise en place d'une politique qui favorise l'équité dans le monde rural. Le vélo et surtout la marche sont recommandés car, par définition, ils contribuent à une mobilité autonome et sont également durables. C'est basé sur ce constat qu’en 2024, la région (land) de Styrie en Autriche a décidé de lancer 15 Masterplans pilotes de mobilité piétonne dans les zones rurales sous la « Fussverkehrsstrategie ».


© Artgineering - Le Masterplan de mobilité piétonne de la petite ville de  Judenburg, ( Styrie )  se base sur les principaux lieux d’intérêts : les écoles, supermarchés, aires de jeux et les zones vertes.
© Artgineering - Le Masterplan de mobilité piétonne de la petite ville de  Judenburg, ( Styrie )  se base sur les principaux lieux d’intérêts : les écoles, supermarchés, aires de jeux et les zones vertes.

Ces plans directeurs suivent la même méthode de développement :


  1. Ils sont basés sur une analyse minutieuse de la situation. Cette analyse est généralement réalisée lors d'une promenade avec le maire de la commune, son responsable de l'urbanisme et des citoyens. Cette enquête permet d'établir un état des infrastructures piétonnes existantes. En outre, une cartographie des points d'intérêt est réalisée : maisons pour personnes âgées, écoles, maisons de village, infrastructures sportives, etc. Cela permet de définir les zones sensibles à traiter en priorité.

  2. Les documents produits distinguent les sentiers locaux des sentiers de plus longue distance. Les sentiers comprennent les raccourcis, les chemins constatés de fait et les passages connus des habitants.

  3. Une « fussgangertisch » est organisée au début de l'élaboration du plan directeur et à la fin. Il s'agit d'une réunion non hiérarchique comme si l'on était à la table d'une taverne « stammtisch » avec les différentes autorités concernées. On peut y traiter de problèmes qui concernent plusieurs niveaux ou départements de l'administration. Par exemple, les villages traversés par une route régionale ou des programmes de revitalisation des centres de village auxquels il est bon de se référer. Cette « fussgangertisch » permet de jongler avec les différents niveaux décisionnels (locaux/régionaux) et expertise (mobilité, urbanisme, paysage) afin de développer un plan directeur piéton le plus transversal possible.



Il ressort des 15 Masterplans piétons réalisés sous l’égide de la région de Styrie 5 problèmes récurrents à résoudre :


  • L'accessibilité piétonne et la sécurité des arrêts de bus nécessitent la collaboration de différents niveaux décisionnels. Souvent les arrêts se trouvent localisés le long des routes régionales. Les enfants, venant par des chemins communaux, doivent traverser celles-ci.

  • Les maisons de retraite sont très rarement conçues en relation avec le réseau piétonnier, comme s'il s'agissait d'infrastructures accessibles uniquement en voiture pour les visiteurs ou les soignants. De manière générale, l'autonomie des personnes âgées est souvent négligée dans les villages. Il suffit pourtant de peu comme placer un banc tous les 500 mètres pour les aider à sortir de chez eux.

  • Les abords des écoles nécessitent des mesures pour donner la priorité aux piétons et garantir la sécurité des enfants. Ils peuvent être reliés par des raccourcis ou des chemins de campagne ponctués d’objets ludiques ou conviviaux. La création de pédibus est encouragée.

  • La relation entre cyclistes et piétons doit être organisée. Si le vélo a connu un essor fulgurant ces dernières années, il n'est pas sans conflit avec la mobilité piétonne. Des infrastructures séparées sont recommandées, par exemple pour relier les écoles aux équipements sportifs ou aux petites gares, si elles existent.

  • Enfin, la place du village, qui reste encore très souvent un parking, doit être réaménagée, souvent en plantant de la végétation, à la façon des Green anglais par exemple. Cela donne une plus grande priorité à sa qualité de lieu de flânerie pour les piétons.


© Artgineering - Un réseau de voies piétonnes de la petite ville de Feldbach (Styrie) est organisé en fonction de leur relation avec le cœur de la ville ou avec le paysage.
© Artgineering - Un réseau de voies piétonnes de la petite ville de Feldbach (Styrie) est organisé en fonction de leur relation avec le cœur de la ville ou avec le paysage.

Ces Masterplans sont des instruments utiles pour envisager le développement cohérent d’un véritable réseau piéton non fragmenté et à des fins utilitaires plutôt qu'uniquement touristique. Le défi est de les soutenir par des investissements au niveau régional, donc d’accompagner ces schémas directeurs d'un plan de financement. Ce qui était prévu pour 2024 mais qui, en raison des circonstances politiques (changement de coalition régionale), n'est pas garanti au moment où ces lignes sont écrites.


Pour relier les fragments de ruralité par autre chose que de l'asphalte et redécouvrir les avantages de la communauté dans les zones rurales, la politique doit investir dans la mobilité piétonne. Imaginez, le parvis de l’école accueille un groupe de joyeux villageois qui papotent en attendant que leurs enfants sortent de l’école en s’ébrouant et qui, tous ensemble, gambadent vers leur maison respective ! Il est un peu anachronique de continuer à supporter le tout à la voiture alors que les options de mobilité active telles que la marche et le vélo sont durables, bonnes pour la santé, et permettent une indépendance quel que soit l'âge. Ce sont des mobilités qui invitent à la sociabilisation et participent donc à la cohésion sociale des villages et petites villes. En plus, elles sont bon marché !

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